Le nom du monde est-il "magie" ?

Publié le par Etonnants Voyageurs

Il est un courant littéraire, dont le chef de file incontesté est le colombien Garcia Marquès (prix Nobel de littérature en 1982), que l'on nomme "réalisme magique". D'autres auteurs sud américains dont le mexicain Carlors Fuentes ou encore le péruvien Vargas Llosa ont formé avec Marquès le mouvement des "boom" (de son appelation complète "Latin american boom"). Certains observateurs, par extension ou par facilité, ont un peu trop rapidement classé tous les auteurs latino-américains dans cette mouvance, instaurant ipso facto une sorte de guetto de la culture littéraire latino-américaine. Jorge Volpi (Le temps des cendres, Seuil, 2008), ancien avocat reconverti en écrivain et homme de télévision, est de ceux qui dénoncent cette classification arbitraire. Il appartient à cette jeune génération d'auteurs mexicains qui ont fondé le mouvement "Crack" (en réponse au "Boom") dans les années 1990 pour sortir de cet enfermement.

Ce dimanche à l'Univers, Jorge Volpi est présent pour débattre d'une question : la magie est-elle présente dans notre monde ? A ses côtés, Gary Victor, romancier et scénariste haïtien, récent lauréat du prix littéraire des Caraïbes 2008 pour Les cloches de la Brésilienne (Vents d'ailleurs, 2006). L'écrivain est très influencé par sa propre culture et nombre de ses écrits sont prétexte à évoquer le Vaudou, pratique magique s'il en est, et dont "on ne parle pas" en Haïti, politiquement correct oblige !

A la baguette, Emmanuelle Dancourt fait figure d'animatrice éclairée et inspirée. Après une brève présentation des deux stars de cette recontre du "4 heures", elle met en scène ses personnages et prépare le public. Une dédicace de l'auteur pour celui qui n'hésitera pas à poser des questions. Ingénieux moyen de rendre la rencontre participative... Les deux auteurs s'exécutent sourire aux lèvres, ils sont entrés à leur tour dans la partie.
La première question tombe : "plutôt science ou plutôt magie ?". Chez Victor, pas de doute, c'est magie ! Quoi de plus beau que cette magie qui fait "briller de bonheur le regard d'un enfant ?" Et puis la mer, les étoiles, le vent, si ce n'est pas la magie du monde ? Et d'ajouter "la magie c'est le bien (NDR : dans le sens américain du terme) dans l'incontrôlable". Volpi, lui, n'est pas de cet avis. Il croît d'avantage en une expression de l'art ou de l'imagination de laquelle on perd le contrôle, plutôt qu'en une notion de magie. L'auteur mexicain est un passionné de sciences, jusque dans ses personnages de roman. La science est un autre chemin pour expliquer ce qui peut apparaître comme magique de prime abord. Cependant il regrette l'incidence de la politique sur la science qui est la plus grande découverte de l'homme. Juste un bémol...

Finalement, Gary Victor regarde les aspects magiques avec le regard d'un peuple qui n'a malheureusement pas toujours accès à l'éducation. Comme les légendes sur le vieux continent dans les siècles précedents, la magie et le Vaudou sont des moyens qui trouvent grâce aux yeux de la population qui cherche des réponses. Pourtant, il reconnaît aussi que le Vaudou autant que la religion sont des vecteurs qui permettent à certains de manipuler les gens, et de garder captif tout un peuple. Sur ce point, Volpi le rejoint, lui qui est également issu d'un pays à forte domination religieuse, comme toute l'Amérique latine d'ailleurs... C'est en partie pour cela que Volpi est persuadé que la science est la seule vraie explication acceptable : elle balaye nombre de préceptes qui enferment ses compatriotes dans un mode de pensée unique. Et pour faire passer ses idées humanistes plus que scientifiques, Jorge Volpi a choisi la magie de l'écriture, car qu'il le veuille ou non, son écriture a pour nous quelque chose de magique.

Paul Vulcain

Publié dans Rencontres

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