Découvrir la Chine à l'heure du petit déjeuner
L'Univers porte bien son nom, cette terrasse d'hôtel où l'on vient petit-déjeuner en tête à tête avec un écrivain pour entrer... dans son univers.
Ce matin, le croissant trempé dans le café, on discutait à bâtons rompus sur la place des femmes en Chine. Autour de Xin Ran, cinq femmes émues par ses romans. Xin Ran est l'auteur de Chinoises et de Baguettes Chinoises (Philippe Picquier) qui retracent des vies de femmes, sous le régime communiste et dans une société masculine. La romancière a recueilli ces histoires lorsqu'elle animait "Mots sur la brise nocturne", une émission où les auditrices se confiaient à elle, un exercice inédit dans une Chine qui sortait péniblement, dans les années 1980, de son enfermement.
Autour de la table de l'Univers, les lectrices ont envie d'en savoir plus sur Xin Ran et sa vie. Une vie dont elle n'a jamais parlé dans ses livres. Elle explique que son fils est trop jeune pour entendre son histoire, mais on devine que c'est surtout trop douloureux. Par bribes, elle livre quelques anecdotes de son enfance. Eduquée par les Gardes Rouges, elle n'a quasiment jamais vécu avec sa mère, emprisonnée, ni fêté son anniversaire avec elle. Dans son orphelinat militaire, elle peut cependant bénéficier d'une instruction, elle qui vient d'une famille intellectuelle et cultivée. Son professeur l'emmenait en cachette dans une bibliothèque secrète, dont elle a dévoré les ouvrages. Un jour, elle lit un livre de Victor Hugo et découvre l'histoire d'une petite fille, pire que la sienne : Cosette. Désormais la littérature sera sa thérapie. " J'ai lu beaucoup d'histoires de guerres et lire que d'autres gens ont aussi souffert m'a beaucoup aidé, c'était ma médecine".
Derrière son sourire et son anglais impeccable, on sent que cette chinoise, qui vit depuis onze ans à Londres, a bien intégré le mode de pensée occidental et peut ainsi accueillir les questions sans être surprise ou blessée, tant est grand le décalage entre les deux sociétés.
Si cela nous paraît normal de révéler les horreurs qu'ont vécu ces femmes sous la Révolution culturelle, c'est loin d'être le cas en Chine. Le premier ouvrage de Xin Ran, Chinoises, fut très mal reçu et incompris des femmes de la génération de la mère de l'écrivain. Sa mère elle même n'a pu lire le livre, car trop douloureux. C'était comme parler de la collaboration au lendemain de la deuxième guerre mondiale.
Il fallait donc beaucoup de courage, de force et d'indépendance d'esprit à l'écrivain pour oser révéler ce côté sombre de la société chinoise. Adolescente, Xin Ran avait publié un poème sur une petite fleur de rocaille qui parvient à pousser tant bien que mal entre les rochers jusqu'à atteindre l'air libre. L'enfant seule avait-elle senti qu'elle était cette fleur qui allait devenir journaliste, romancière et professeur?
Deux croissants et un café pour partager un moment privilégié avec cette femme sereine et déterminée qui a encore des combats à mener. Une rencontre poignante.
Ce matin, le croissant trempé dans le café, on discutait à bâtons rompus sur la place des femmes en Chine. Autour de Xin Ran, cinq femmes émues par ses romans. Xin Ran est l'auteur de Chinoises et de Baguettes Chinoises (Philippe Picquier) qui retracent des vies de femmes, sous le régime communiste et dans une société masculine. La romancière a recueilli ces histoires lorsqu'elle animait "Mots sur la brise nocturne", une émission où les auditrices se confiaient à elle, un exercice inédit dans une Chine qui sortait péniblement, dans les années 1980, de son enfermement.
Autour de la table de l'Univers, les lectrices ont envie d'en savoir plus sur Xin Ran et sa vie. Une vie dont elle n'a jamais parlé dans ses livres. Elle explique que son fils est trop jeune pour entendre son histoire, mais on devine que c'est surtout trop douloureux. Par bribes, elle livre quelques anecdotes de son enfance. Eduquée par les Gardes Rouges, elle n'a quasiment jamais vécu avec sa mère, emprisonnée, ni fêté son anniversaire avec elle. Dans son orphelinat militaire, elle peut cependant bénéficier d'une instruction, elle qui vient d'une famille intellectuelle et cultivée. Son professeur l'emmenait en cachette dans une bibliothèque secrète, dont elle a dévoré les ouvrages. Un jour, elle lit un livre de Victor Hugo et découvre l'histoire d'une petite fille, pire que la sienne : Cosette. Désormais la littérature sera sa thérapie. " J'ai lu beaucoup d'histoires de guerres et lire que d'autres gens ont aussi souffert m'a beaucoup aidé, c'était ma médecine".
Derrière son sourire et son anglais impeccable, on sent que cette chinoise, qui vit depuis onze ans à Londres, a bien intégré le mode de pensée occidental et peut ainsi accueillir les questions sans être surprise ou blessée, tant est grand le décalage entre les deux sociétés.
Si cela nous paraît normal de révéler les horreurs qu'ont vécu ces femmes sous la Révolution culturelle, c'est loin d'être le cas en Chine. Le premier ouvrage de Xin Ran, Chinoises, fut très mal reçu et incompris des femmes de la génération de la mère de l'écrivain. Sa mère elle même n'a pu lire le livre, car trop douloureux. C'était comme parler de la collaboration au lendemain de la deuxième guerre mondiale.
Il fallait donc beaucoup de courage, de force et d'indépendance d'esprit à l'écrivain pour oser révéler ce côté sombre de la société chinoise. Adolescente, Xin Ran avait publié un poème sur une petite fleur de rocaille qui parvient à pousser tant bien que mal entre les rochers jusqu'à atteindre l'air libre. L'enfant seule avait-elle senti qu'elle était cette fleur qui allait devenir journaliste, romancière et professeur?
Deux croissants et un café pour partager un moment privilégié avec cette femme sereine et déterminée qui a encore des combats à mener. Une rencontre poignante.
Florence Brissieux